Apparu en 2013 dans les magazines féminins, le terme « paléo » a d’abord désigné une tendance alimentaire émergente à base de cru, de graines et de protéines maigres. S’inscrivant dans la mouvance de l’healthy food, nouveau symbole de pureté et d’accomplissement de soi, la paléo diète est un genre de Tabula Rasa de l’alimentation, un quasi « retour aux choses-mêmes » pour reprendre l’expression de Heidegger ; bref un retour à l’essence de l’alimentation. À l’instar du #nofilter et du #nomakeup, la paléo diète est symptomatique du besoin d’authenticité qui s’exprime dans la société actuelle. En plus de vanter les mérites de ce mode de vie aux notes préhistoriques, les magazines de mode proposent de plus en plus d’éditoriaux à la photographie sauvage. La petite robe noire devient peau de bête, l’intérieur design devient feu de bois précaire sur la plage, le port altier courbe l’échine et le brushing impeccable se transforme en dreadlocks terreuses. Les grands pontes de la photographie comme Mert & Marcus, Hans Feurer ou encore David Bellemere se prennent au jeu de Cro-Magnon en réveillant l’archétype de la sauvageonne, une femme à l’état brut, indomptée, incarnant la force vive de la nature. Comprenez une femme libre et forte, capable de subvenir seule à ses besoins. Oui, il s’agit bien du discours typique de magazine. Vous savez celui qui tente de faire illusion pour maintenir un usage intempestif de clichés et de stéréotypes réducteurs. L’exemple de la tendance paléo permet de redécouvrir l’un des tours de force majeur du magazine féminin, grâce auquel il s’érige en prescripteur et séduit infailliblement le lectorat : faire coexister la beauté, le stéréotype et quelque chose de l’ordre du girl power. Aller va, on l’aime quand même cet upgrade de Lucy.




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